Comment expliquer que tant de restaurateurs ne veulent pas s’inscrire dans leur temps en refusant catégoriquement d’installer la « caisse noire » ? Si l’on peut comprendre une certaine anxiété vis-à-vis d’un changement d’approche pourtant inéluctable, on peut légitiment s’interroger sur l’avenir d’un secteur qui, dans un système actuel, compte le plus grand nombre de faillites et où le personnel salarié reste manifestement sous déclaré ? C’est une réalité et il faut se garder de penser qu’un discours qui se bornerait simplement à rappeler les dispositions légales, réglementaires et administratives imposées au secteur, va suffire pour modifier les pratiques actuelles ! A contrario, des positions d’opposition tout aussi simplistes, erronées et dangereuses doivent être bannies de tout discours.
Rappelons-le une fois encore, car beaucoup de restaurateurs sont dans le doute. La Blackbox doit être utilisée, c’est une obligation. Reconnaissons cependant que la communication autour de ce dossier n’est pas optimale et que certaines campagnes de désinformation ont ajouté une couche de perplexité dans le chef … des chefs. Le gouvernement a également sa part de responsabilité car il a transformé la « BlackBox » en un feuilleton de télévision où la production s’est plutôt concentrée sur le décor plutôt que sur le fond et les enjeux.
En effet, nous avons en Belgique un des plus beaux patrimoines culinaires et avec une capacité de création et d’innovation remarquables. Cependant, le contexte fiscal, social et administratif est peu porteur. Il est donc tout à fait légitime que la Blackbox et les nouvelles obligations qu’elle impose, soient perçues comme de nouvelles entraves au développement de l’esprit d’entreprise mettant également à mal la rentabilité du secteur.
Mais la Blackbox n’est-elle pas l’arbre qui cache la forêt ? La restauration totalement « officielle » n’est-elle pas viable et rentable ? Quelles sont les perspectives qui sont offertes aux restaurateurs dans le nouveau cadre où le consommateur exige toujours plus de transparence et d’éthique ?
La Blackbox comporte de nombreux avantages pour ceux qui veulent les voir. Quasi plus de paiements en espèces, fini les doubles comptabilités, des états financiers qui reflètent la réalité économique de l’entreprise facilitant les relations avec les banques, les fournisseurs et permettant une valorisation correcte en cas de transmission, l’accueil des inspections sociales et fiscales sans crainte, et surtout, un personnel complétement déclaré, (r)assuré, fidélisé.
Impayable pensez-vous ? Absolument pas. Il existe des nombreuses mesures d’optimisation des ressources humaines qui, dans la plupart des cas, diminuent le coût salarial totalement déclaré par rapport au coût en « zone grise ».
Pour ce faire, les restaurateurs ont besoin d’informations et de soutien. Ils ont besoin d’être rassurés sur ce qui est possible et légal. La plupart a besoin d’être accompagné. Car il est évident qui si les salaires réels sont entièrement déclarés, en convertissant le « gris » en brut, c’est tout bonnement impayable pour des entreprises dont la rentabilité est aujourd’hui déjà trop faible dans la plupart des cas.
C’est à juste titre que les restaurateurs demandent des mesures compensatoires additionnelles. Mais il faut aussi reconnaître, connaître et utiliser tout ce qui existe déjà, comme les heures supplémentaires ou le statut flexi-job qui permettent de réaliser des économies substantielles. D’autres mesures sectorielles spécifiques existent comme la grande flexibilité, les heures de nuit, les coûts spécifiques aux avantages sociaux des employés, des régimes de primes, l’assurance collective, les régimes de retraite … Toutes ces mesures doivent être utilisées pour accompagner durablement la transformation du secteur HORECA.
Aujourd’hui ceux qui utilisent la BlackBox vivent dans un monde de concurrence déloyale. Ils déclarent l’entièreté de leur recette et 100% de leur personnel tout en apportant un service de qualité à leurs clients. Ils ont compris les avantages de la « caisse blanche. ». Ils méritent une reconnaissance. Nous devons plaider un secteur fair-play, respectueux de ses clients, de son personnel, des lois tout en permettant à tous les artistes qui œuvrent dans nos cuisines de vivre décemment de leurs talents.
Il faut éviter de céder à la facilité en écoutant des messages erronés et dangereux. Il est donc essentiel que des professionnels, qui connaissent tous les rouages légaux permettant une gestion optimale des entreprises du secteur, accompagnent les restaurateurs qui le souhaitent et les soutiennent afin de leur permettre de regarder vers un avenir rentable dans un cadre équilibré, plus encore, équitable, pour tous.
Le travail doit et peut être pleinement officiel dans l’HORECA. C’est de cette façon que le futur du secteur se construira, que notre patrimoine culinaire sera protégé et se développera.
Recent Comments